Eric de Bitpart

Eric, graphiste et chanteur/guitariste dans le groupe Bitpart, 37 ans, Montreuil

« Bien sûr, je préfère avoir un bon gros disque dans les mains, lire les paroles, me poser. J’adore ça, passer une demie heure ou 40 minutes à lire les paroles et tout. Je me dis genre “ah ouais ! Bah putain si j’avais su, j’aurai jamais cautionné cette musique, parce que les paroles, bon dieu !” « 

C’est quoi ton premier contact avec un disque ?

Vinyle ou CD ?

Comme tu veux, c’est toi qui vois !

Alors je vais prendre le truc qui fout la honte, tant pis, c’est comme ça ! Je crois que le premier CD que j’ai eu, c’est “Are you gonna go my way” de Lenny Kravitz ! J’étais fou du riff haha. Voilà… Je devais avoir 11 ans, peut-être ? J’espère ! Hahaha ! Des fois, je dis un truc comme ça et après on vérifie la date et c’est genre “euh non, t’avais carrément 14 ans déjà…” Haha…

Donc c’est celui-là le tout premier disque que tu as acheté.

Alors j’achetais pas mes disques, j’attendais mes anniversaires pour me les faire offrir ! Je me rappelle très bien des tous premiers, après ça devient plus flou… Le tout premier, ça devait être celui-là, après, y’en a eu un acheté par erreur, mais qui s’est avéré être mieux que celui que je voulais acheter en premier lieu : celui que je voulais acheter c’était Belly, et en fait je me suis trompé, j’ai acheté un disque de Juliana Hatfield qui est hyper bien et qui s’appelait “Only Everything”. Puis après, y’a eu Weezer, le premier album, en même temps que Silverchair, le premier aussi – “Frogstomp” – mais que j’écoute plus du tout. J’ai toujours les CDs ! Ah et Green Day aussi, “Dookie”.

collection_cassettes_Eric

Quels supports physiques préfères-tu et pourquoi ?

Pffff… Bah le vinyle quoi. Mais c’est marrant, je suis pas à fond 45 tours, enfin 7 pouces… Je sais pas, peut-être parce que je suis une feignasse et que mettre juste un truc pour écouter un morceau, pfff ! J’aime bien m’immerger plus longtemps, c’est un peu frustrant sinon. Quand j’ai envie d’écouter un seul morceau, j’écoute plutôt du MP3.

Donc le côté immersif du vinyle, ça te parle plus…

Ouais. J’aime bien la construction face par face. Genre tu sens quand une face commence, quand est-ce qu’elle s’arrête… Enfin, je sais pas, je vais partir sur complètement sur complètement autre chose là, mais avec Bitpart, on s’était posé cette question. En fait, un vinyle, c’est comme si t’avais 2 mini albums presque dans le même esprit, quand tu démarres la première face et quand tu la termines, et quand tu passes à la seconde… Du coup, je me pose la question des fois en écoutant un vinyle, si le groupe ou l’artiste a essayé de faire un truc en le pensant comme ça ou si à l’époque, genre si c’était plutôt le CD qui était dominant, comme dans les années 90, si on s’en foutait et si on coupait juste au milieu du disque et c’est tout…

Je pense qu’il y a une grosse différence. Et maintenant que tu m’en parles, je me rends compte qu’il y a des disques dont j’écoute toujours une seule face, comme si c’était un album à part entière… Ma face préférée.

Ouais, tu trouves qu’elle se tient et que c’est pas la peine de tourner le disque… Mais un jour tu passeras à la face B et tu vas pleurer, tu vas te dire “nan, j’ai raté ça, toutes ces années !”

Hahaha ! Ca ne te fait pas ça, toi ?

Si, ça dépend des disques. Y’a un disque que j’ai acheté récemment – le dernier disque d’Angel Olsen – et y’a clairement la première partie du disque qui est vachement plus enjouée et un peu plus rock, et la deuxième c’est que des morceaux très lents, qui sont très beaux, mais il me faut plus d’énergie ou de volonté pour écouter cette deuxième face, que j’écoute moins du coup.

Gif d'Eric qui met son disque de Team Dresch

Quels sont les autres supports que tu achètes, et achètes-tu du digital aussi ?

Pour commencer par le digital, ça m’arrive d’en acheter, mais quand j’en achète, c’est souvent des gens que je connais ou des tous petits groupes, ou des gens que j’ai envie de soutenir. Sur Bandcamp, je file genre 3-4€ à des gens que je connais un peu, car je sais pas, ça me fait plaisir de le filer un peu. Et sinon, je télécharge illégalement ! Et concernant les autres supports, des cassettes, ouais ! Alors c’est marrant parce que les cassettes en France, pas trop. Peut-être parce qu’il y en a moins, déjà. Et puis aux Etats-Unis (ndlr : où il a vécu un moment), je le faisais plus parce que, je sais pas, c’était plus courant et y a plein de petits groupes qui sortent des cassettes plutôt que direct un gros disque.

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Et tu préfères les supports physiques au digital ?

En fait ça dépend, j’ai pas de préférence. Le support physique, tu l’écoutes chez toi, t’es peinard.. Après, j’adore écouter de la musique en permanence donc forcément, j’ai besoin d’avoir mes MP3 sur moi. Et la plupart des disques que j’ai en vinyle, je les ai aussi en MP3 pour pouvoir les écouter partout, et je suis dégoûté quand y’a pas un code pour choper les MP3 et qu’il faut se faire chier à les trouver je sais pas comment ! Mais bien sûr, je préfère avoir un bon gros disque dans les mains, lire les paroles, me poser. J’adore ça, passer une demie heure ou 40 minutes à lire les paroles et tout. Je me dis genre “ah ouais ! Bah putain si j’avais su, j’aurai jamais cautionné cette musique, parce que les paroles, bon dieu !” Hahahahaha…

Est-ce que tu es sensible aux éditions limitées, aux disques collectors ? As-tu déjà acheté un disque d’un artiste dont tu te fous un peu juste parce que tu trouvais l’objet hyper classe ?

Alors, non. Pourquoi ? Je suis pas hyper sensible à ça parce que souvent, les disques qui m’intéressent ne sont pas toujours faciles à trouver et en général, j’aime pas trop acheter de disques sur Internet parce que j’ai l’impression de prendre ça comme une défaite ! C’est genre putain, c’est trop facile. En fait, tu fais clic et tu fais clic, et puis tu payes je sais pas combien de frais de port et c’est casse-couilles. J’ai l’impression que si je me lance trop là-dedans, je pourrais dépenser trop de fric comme ça. Et j’aime bien aussi aller chez les disquaires un peu au hasard et de temps en temps, tomber sur un truc auquel je ne pensais plus et me dire “putain, celui-là je le cherchais y a un an, c’est trop bien”. Du coup en général, je prends ce que je trouve et je vais pas chercher l’édition ultra limitée ou je sais pas quoi. Après, je pense que ça pourrait m’arriver pour des groupes que j’adore mais vraiment, plus que la couleur du disque, il faudrait qu’il y ait un max de photos ou qu’il y ait l’histoire du groupe dans un livret… Tu vois, y’a pas longtemps j’ai chopé toutes les rééditions de Unwound en grand coffret, mais là, c’était obligé ! Y’a tout un truc qui parle de leurs débuts et d’Olympia. Quand je lisais ça, je me disais “mais ouais ! Cet endroit, j’y suis passé !” Les photos sont top, et puis j’adore ce groupe… Mais sinon, les éditions limitées, je m’en fous un peu… Ca a déjà du m’influencer un peu pour un disque dont j’étais pas sûr que j’allais vraiment aimer. Haha ! Mais ça, ça m’arrive plus, c’était quand j’étais plus jeune. En général, quand j’achète un disque, c’est que je l’ai déjà beaucoup écouté ou alors, que j’ai vu un truc en concert qui m’a mis une énorme claque. Même si j’essaye de me méfier de ça maintenant parce que tu peux souvent être déçu. Mais vraiment, si j’ai une claque pas possible, que j’ai trouvé que les gens avaient l’air hyper sympathique et tout, y’a pas moyen que j’achète pas le disque.

Le coffret d'Unwound d'Eric, close up sur Olympia

Justement, tu anticipes un peu sur une de mes questions : le rapport disque/live. En gros, tu te prends une grosse claque en live et tu as envie d’acheter le disque. Mais est-ce que tu as l’inverse, aussi ?

Genre je vais voir un groupe, j’aime pas du tout, et je me dis “oh, je vais acheter le disque parce qu’on sait jamais si c’est génial !” ? Hahaha ! Euh, non…

Hahaha ! Mais non… Par exemple, tu aurais pu acheter le disque, sans jamais avoir vu le groupe en concert, et donc avoir certaines attentes par rapport au live ou une appréhension de trouver ça nul à chier…

Ah si ! Mais j’ai le disque et il est mortel quand même, donc c’est pas grave. Même si je peux être déçu mais dans ce cas, plutôt de les voir en live et de me dire qu’en fait, ils dégagent un truc que j’aime pas. Ca va être un lieu commun mais effectivement, si je vois un concert qui est mortel et qui sonne hyper, j’vais avoir envie que le disque retranscrive cette folie. Et soyons francs, ça n’arrive pas souvent, parce que c’est juste pas la même chose. Après, je peux écouter des trucs où l’enregistrement est vraiment particulier comme le dernier album de Unwound, par exemple. C’est vraiment un disque de studio avec plein de pistes hyper bizarres et quand tu écoutes les morceaux en version live, tu sens que c’était un peu plus compliqué quoi. Mais j’ai rien contre les disques de studio, des fois je trouve que c’est mortel, le travail qui est fait dessus, le son qui est fait sur chaque instrument…

Petite partie de la collection de disques d'Eric avec ses coffrets d'Unwound

Tu aimes bien les compiles ? Tu en as beaucoup ?

Ouais, j’aime bien les compiles mais dans le style musical que j’aime, y’en a pas trop. Les compiles, ça marche surtout pour les trucs un peu plus vieux, genre garage, surf, j’sais pas quoi ou soul. Et quand t’es plus genre indie-rock-années 90 comme moi, les compiles, c’est pas trop la culture et souvent, c’est plutôt des compiles de promotion d’un label et j’aime pas trop ça.

Par exemple, les compiles Kill Rock Stars ?

Ah ouais ! Ceci dit, j’en ai pas mal écouté sur CD quand j’étais ado et y’a des trucs que j’ai découvert comme ça. Mais j’ai quand même des compiles bien ! Juste pas tant que ça, haha.

Est-ce que l’artwork d’un disque est quelque chose d’important pour toi ?

Oui ! Après, ça ne m’empêche pas d’acheter un disque hyper moche quand c’est de la musique que j’aime vraiment. Et des fois, y’a des pochettes super moches, tu finis par t’y faire et c’est genre ok, ça va, ça fait partie du truc, de l’univers du disque et y’a pas de problème.

J’ai envie de savoir : c’est quoi tes pochettes préférées ?

DEVO, “Hardcore” Vol. 1 et 2 & Deerhoof, “Milkman”. J’ai aussi des pochettes bizarres sinon, genre un de mes disques favoris de tous les temps, c’est Cat Power “What would the community think”. Je l’ai toujours trouvée hyper bizarre.  A l’époque, j’étais vraiment jeune et donc peut-être moins ouvert graphiquement. Mais je me rappelle, j’étais là genre pfiou, ok… C’est quoi ce délire ? C’est illisible, la typo est chelou… Alors que la pochette d’après, elle est cool. Ah, Cat Power… J’étais un ouf de Cat Power, à un moment. Quand j’étais jeune et triste, haha… Ce côté un peu romantique, t’écoutes ça tout seul dans ta chambre, et tu pleures…

Pochette This is Hardcore de Devo

Pochette de "Milkman" de Deerhoof, collection d'Eric

Pourquoi, tu crois qu’il faut être jeune et triste pour aimer Cat Power ? Haha…

Non mais faut aimer passer du temps seul dans sa chambre à se dire que sa vie est plus dramatique qu’elle ne l’est, je sais pas, haha.

Quel est le style le plus présent dans ta discothèque ?

L’indie. Après, ça recouvre tellement de trucs… Entre punk et indie plutôt, pas trop le versant indie-pop. J’aime bien les gens qui viennent un peu plus du punk et ou qui font de la pop un peu tordue et bizarre. A l’image de Sebadoh, tu vois. Clairement, c’est ça que j’ai le plus.

Et ton disque préféré, celui que tu sauverais en cas d’incendie ?

Mon dieu ! Hey mais j’ai réfléchi, ça fait genre une semaine que je réfléchis à cette question ! Arrrrgh ! Y’en a plusieurs. En fait, soit tu choisis ton disque de vieux con, qui est le disque auquel tu t’attaches depuis que t’es ado et que t’écoutes pas tant que ça. Et dans ces cas-là, ce serait l’album bleu de Weezer. Mais en vrai, je l’écoute pas si souvent que ça. Après, y’en a que j’ai toujours pas chopé en vinyles, qui sont des énormes classiques mais que j’ai que sur CD et qu’il faudrait que j’achète un jour, genre les 2 premiers des Breeders. Sinon le premier album des Wipers, “Repetition” de Unwound… Je sais pas, y’en a trop, franchement ! Un seul, c’est trop dur, mais tout le monde doit te dire ça en même temps !

Non, je te jure ! J’ai des amis, genre Benoît par exemple, qui a son album préféré de tous les temps et qui veut même se faire enterrer avec…

Ouais, il a réussi à se persuader, haha ! C’est des conneries ! Putain mais c’est trop dur. Ou alors, c’est juste un disque où t’as un attachement affectif, au-delà de la musique, parce que des disques dont t’adores la musique, doit y’en avoir plusieurs. Du coup, pour moi, ce serait Weezer, l’album bleu, même pas le vinyle mais le CD, parce que c’est celui que j’avais quand j’étais ado. Et puis j’aime bien, la petite pochette intérieure avec les titres, les durées des morceaux… D’ailleurs, ça me fait penser qu’ils ont mis 8:03 pour “Only in Dreams”, mais je me souviens qu’en fait, j’avais écouté jusqu’au bout – parce que le morceau est juste incroyable et que j’en étais fou – et en réalité le morceau s’arrête à 7:59 ! Les bâtards ! Rendez-moi mes 4 secondes ! Mais bon, je sais pas pourquoi je suis resté totalement focalisé sur la durée de ce morceau, haha.

Eric et son CD préféré : le blue album de Weezer

Tu es bel et bien un énorme geek !

Mais ouais… Mais pourquoi ils ont mis 8:03 en fait ? Hahaha…

Tu es déjà tombée sur un disque, un concept de disque que tu as trouvé ridicule ? Ou au contraire, génial ? Que ce soit l’objet, l’artwork, le contenu musical…

Genre un pliage ou je sais pas quoi ? Des fois, je trouve qu’il y a des trucs qui sont trop chichiteux et qui sont chiants à manipuler. J’aime vraiment beaucoup No Age mais y’a un disque qui est chiant, avec une espèce de pliage. Je le trouve pas super beau en plus. Vas y, c’est casse-couilles quoi…

Le disque chiant d'Eric : No Age et son pliage

J’en ai d’autres qui sont pires, genre j’en ai un avec des petits bandeaux en papier… Tu dois l’enlever pour écouter le disque, et par contre après pour le remettre, c’est l’enfer, parce qu’en plus,  je suis un peu maniaque. Ok, c’est joli… C’est des gens du Pacific North West qui habitent sur une île et ils ont tout le matos pour faire des trucs en letter press, sérigraphie tout ça…Ils ont que ça à faire et ils s’emmerdent ! Hahaha… Mais en fait, c’est chiant ces bandeaux et je sais pas quoi… Je suis pas fan ! Parfois, même les gatefolds, ça m’énerve. Ca me casse les couilles quand ça sert à rien du tout. Genre, le dernier Meatwave : t’as une pochette d’album assez belle, tu fais “whoa !” et puis t’ouvres le machin et tu fais “ok”. Ok les mecs.

Eric_Gatefold_Meatwave

Et pareil, les gatefolds quand t’as un disque de chaque côté, c’est chiant de les rentrer. En fait, ce que j’adore, c’est la sous-pochette cartonnée parce que ça rentre et ça sort tout seul. Le dernier LP de Bitpart, il est comme ça ! Hahaha. Avec des coins arrondis en plus, c’est encore mieux pour rentrer et sortir le disque, ça n’accroche pas. Et je déteste les sous-pochettes en plastique, putain… J’ai une version dégueulasse d’un Mission of Burma avec ça… Déjà je sais pas ce que c’est cette édition, elle est horrible. C’est une version d’exposition, il coûtait pas très cher car y’a un trou sur la pochette et le disque est à moitié cramé dedans. Et genre sa vieille sous-pochette dégueu en plastique, avec un coin du disque qu’est à moitié cramé… Mais j’l’ai payé pas cher en même temps.

Comment ranges-tu tes disques ?

Par ordre alphabétique, mais ça n’a pas toujours été comme ça. Quand t’en as pas beaucoup, forcément, tu te fais pas chier à les mettre par ordre alphabétique. Mais au bout d’un moment, t’en as un peu trop et ça commence à faire des incohérences partout et y’a des trucs, tu sais plus où les trouver. Parce que t’as envie de mettre tout Washington DC et Dischord un peu ensemble, et en même temps, t’as un autre coin où t’as du emo-j’sais pas quoi et tu te dis “je vais le mettre à côté”, puis y a un autre lien qui se fait avec un autre truc d’Olympia de je sais pas quelle époque, et au bout d’un moment, t’es là “oh mais je sais plus où les mettre” ! Y’a aucun bon rangement, tous les rangements sont chiants. Je connaissais quelqu’un qui rangeait ses disques géographiquement. Il avait beaucoup beaucoup de disques et c’était un peu un ouf, avec des couloirs entiers de disques, rangés selon les différents états des Etats-Unis quoi ! Hahaha…

collection_disques_Eric

Donc du coup, rangement alphabétique et rangement par le prénom. Parce que sinon, ça fait trop magasin de disques. Genre, Julie Doiron, J, comme si c’était un nom de groupe. Sinon, j’ai aussi tous mes 45 tours, mais pour le coup, ils ne sont pas rangés par ordre alphabétique parce que j’en ai beaucoup moins. Ils sont plus classés par…feeling, haha !

La petite collection d'EP d'Eric

Est-ce que tu planifies un peu tes achats ? Qu’est-ce qui motive un achat de disque chez toi ?

Quand je vois passer un truc sur le net, je me dis “Tiens, une  nouvelle sortie de tel truc !” et je le mets dans une petite liste où je me dis : celui-là, s’il me passe sous les yeux, il faut y penser. Y’a pas des tonnes de trucs, y’a 4-5 trucs que j’écoute beaucoup en ce moment et que je veux trouver. Mais le problème c’est que ces disques sont durs à trouver si tu veux pas les acheter sur le net. C’est juste que ça revient très cher d’acheter sur le net si ça vient des Etats-Unis… Alors ça m’arrive de commander en Angleterre chez des gens qui ont une distro pas mal et un label qui s’appelle Specialist Subject. Ils sont très pop-punk mais de temps en temps, ils ont des trucs genre Meatwave.

Comment est-ce que tu te renseignes sur les sorties ?

C’est vrai qu’aujourd’hui, quand tu vas sur Facebook et que tu mets que tu aimes bien un groupe, tu reçois les infos, et puis les potes postent des trucs, et à force de passer du temps sur le net, tu finis toujours par tomber sur quelque chose. Ca m’arrive de regarder en fin d’année les tops 50 de je sais pas quel site et de tomber sur des trucs. Y’a quelques mois, j’ai découvert un groupe qui m’obsède depuis, ça s’appelle Snail Mail et c’est sur le label Sister Polygon. C’est un mec qui joue dans un groupe aux Etats-Unis qui l’avait posté sur sa page. Et ce disque-là, je vais avoir du mal à le trouver sans l’acheter sur le net. En ce moment aussi, j’aime bien Mike Krol, un mec qui fait une espèce d’indie-pop-punk-garage, et qui vient de rééditer ses 2 premiers disques en un seul. Remarque, je pourrais peut-être le trouver facilement ça, c’est sorti sur Merge, donc y’a moyen quand même.

Eric et son disque de Mike Krol

Je vais souvent chez Pop Culture, une fois tous les mois et demi, peut-être. Mais là, il l’avait pas. D’ailleurs, la dernière fois que j’y suis allé, j’ai rien acheté ! Pourtant, il avait un disque, c’est un groupe qui s’appelle Unrest, et je sais qu’il faut que je le connaisse. Sur la pochette, il avait mis un petit sticker genre “meilleur album d’indie de tous les temps”. Du coup, je sors le disque et on le passe, mais j’étais pas convaincu ! Ça fait peut-être partie des groupes où il me faut plus de temps, où ça ne vient pas tout de suite quoi. Shellac, par exemple, ça m’a pris 6 ans avant d’apprécier. J’empruntais « Action Park » à la médiathèque de ma ville tous les 3 mois, parce que je sentais qu’il y’avait un truc. Putain, c’est quand même assez spé, ça a l’air cool et j’arrive pas à accrocher, c’est trop aride, trop sec, bref j’y arrivais pas. J’avais quoi, 16-17 ans. Donc ouais, je planifies, mais si tu veux, quand je vais chez un disquaire, je cherche pas juste le disque que je cherche. Je me tape tous les bacs en me disant qu’il y a certainement quelque chose auquel je ne pense pas, qui est resté dans un coin de ma tête et quand je vais le voir, ça va faire ting ! De temps en temps, je me tape une petite expédition où je vais chez 2-3 disquaires d’affilée en me disant que je vais peut-être trouver un truc précis. Et je trouve pas. Ça m’arrive d’acheter un autre truc pour me consoler. Mais c’est chiant. Surtout que chez Gibert, c’est loin puis j’aime pas ce quartier. Du coup, là où je vais le plus spontanément, c’est Pop Culture. Comme je suis pas très loin du Silence de la Rue, ça m’arrive d’y passer, en sachant que j’achète quand même très rarement là-bas parce que je trouve pas souvent quelque chose qui m’intéresse. Après, des disquaires pas chers… Y’en a pas tant que ça. Je pense que le moins cher de tous, c’est Plus de Bruit, mais il est trop loin. Mais là bas pour le coup, tu peux vraiment y trouver des trucs sans y avoir réfléchi à l’avance.

Ouais, mais est-ce que c’est le disquaire auquel tu penses le matin quand tu viens de te réveiller avec une envie d’acheter des disques ?

Putain mais ça t’arrive ce genre de trucs ? Hahaha… Remarque, moi, ça m’arrive quand j’ai passé une journée de merde au boulot et que je me dis “faut que je me fasse un cadeau !” Haha. Comme en ce moment, je suis à Bastille, et du coup, pas très loin de Pop Culture. Et y’a un disque là-bas que je vois à chaque fois et je me dis “tiens, celui-là, je l’ai pas mal écouté et il est cool” : un disque de Purling Hiss, avec un morceau que j’adore qui s’appelle “Mercury Retrograde”. Et à chaque fois que j’y retourne, je tombe sur ce disque et je me dis “putain, personne ne le prend” et je me dis que ce disque me nargue. Mais je l’achète pas, haha.

Quel est ton budget mensuel ?

Alors, quand j’étais salarié, je me posais un peu moins de questions et je pouvais me permettre d’acheter, en gros, 2-3 disques par mois. Maintenant que je suis au chômage, j’essaye de faire gaffe à ma politique d’achats. Genre, après un concert, je vais essayer d’aller me calmer un petit peu et me dire “ouais c’était pas mal mais bon…” Y’a un truc que j’ai regretté y’a pas longtemps mais après, je l’ai retrouvé dans des distros pas trop chères : c’était le disque d’Uranium Club. Le concert était démentiel, j’ai adoré, mais j’avais jamais écouté avant. Du coup, je me suis dit “achète pas le disque, tu l’as jamais écouté” mais après, je l’ai écouté sur le net et j’ai fait “putain mais il est trop bien ce disque !” J’ai eu de la chance, en fait, y’a plein de gens qui l’ont dans leur distro, ils l’ont à Pop Culture…

Ça m’arrive très souvent de ne pas acheter de disques après un concert parce que je n’ai pas de thunes par exemple, ou bien je me dis que je le trouverai ailleurs, et puis finalement, je le trouve nulle part et je m’en mords les doigts !

Ce qui m’arrive aussi, c’est de me réserver et de ne pas acheter un disque parce que je sais que je vais aller voir le groupe en concert, et que ce sera moins cher. Et puis t’arrives le soir du concert et argh ! Le disque est à 20 balles, les boules ! Genre un groupe mega pop de Canadiens qui s’appelle Alvvays que je trouve vraiment très beau. J’ai pas acheté le disque alors que je le voyais chez le disquaire et puis j’ai fini par l’acheter en concert à 20 balles…

Et à part Pop Culture, quels sont tes disquaires préférés ? En France et ailleurs ?

Dans les autres villes de France, je les connais pas trop, parce que j’y passe juste quand on est en tournée avec Bitpart. Récemment, j’étais à Rouen, où y’a De Bruit et d’Encre qui est plutôt pas mal, ils ont plutôt des trucs chouettes. A Bordeaux, y’a Total Heaven. A Metz, y’a un disquaire qui s’appelle la Face Cachée qui est pas mal aussi. Dans le reste du monde, à San Francisco, y’a un disquaire qui est vraiment vraiment cool, tenu par des punks, qui s’appelle Thrillhouse. Y’a Mississippi Records à Portland, qui est cool, hyper éclectique et hyper bien. Ils font eux-mêmes leurs compiles cassettes, avec des petites pochettes photocopiées. Y’a plein de trucs mortels ! Et puis j’ai une petite affection pour un disquaire de Seattle, je sais plus comment il s’appelle mais j’adore cet endroit, où j’ai trouvé un petit 45 tours que je cherchais depuis 1000 ans : un 45 tours de Team Dresch qui a une histoire de folie ! En fait, c’est drôle, j’avais entendu un morceau sur Oui FM en 1996, dans l’émission Ketchup & Marmalade. Dans l’émission, y’avait une meuf, Mélanie Bauer, qui faisait les college radios anglaises et américaines, et puis une heure où elle passait que des coups de coeur à elle. Une fois, elle a passé du Team Dresch et j’avais pas compris le nom, j’avais juste enregistré le morceau sur une cassette parce que j’attendais avec mon petit magnéto haha. Et j’ai fini par retrouver le nom du groupe grâce à Internet après des années, en cherchant les paroles que j’entendais. Et j’ai fini par trouver le disque avec ce morceau chez ce petit disquaire à Seattle, des années plus tard ! C’est incroyable n’empêche, pour tous les gens qui ont découvert des trucs sans Internet, tu pouvais mettre des années à savoir ce qu’était tel ou tel morceau.

Le 45 tours de Team Dresch d'Eric

Home is where the record player is… Es-tu d’accord ?

Ouais, quand même. Je pense au temps que j’ai passé aux Etats-Unis et c’est vrai peut-être que j’ai jamais eu l’impression d’être chez moi parce que y avait pas mes disques et ma platine. Et c’est vrai que quand je déménage, c’est vraiment la partie centrale du déménagement : la platine et les disques.

C’est quoi ta platine ? Y’a quoi qui tourne dessus ?

Ma platine, c’est une blague un peu. C’est la seule platine que j’ai eue de toute ma vie. C’est un pote qui avait acheté en brocante un ensemble avec un ampli, une platine et des enceintes, et comme il avait déjà une platine, il m’a dit “ tiens, je te file la platine”. Du coup, je l’ai prise, je crois que j’ai dû faire réparer la courroie et faire régler la vitesse ou je sais pas quoi, et je l’ai repeinte parce qu’elle faisait vraiment trop années 70, haha. C’était du faux bois foncé un peu moche. Du coup, j’ai la même depuis 12 ans…

platine_vinyles_Eric

Et dessus, c’est le seul disque que j’ai acheté sur eBay de toute ma vie ! Il s’est fait niquer à l’envoi. Non mais regarde, tout s’est fait défoncer, là ! Le livret aussi, il est défoncé là ! Alors ça, putain quand j’ai découvert ça, j’étais fou. En fait, à la base, c’est un film du début des années 90 avec Ian Svenonius et il joue le grand frère d’une meuf. Il est insupportable, il a un “vrai groupe de rock”, il fait des “vraies tournées”, des “vrais concerts”, et sa petite soeur, elle est en mode “vas-y, moi aussi je peux faire de la musique et va te faire foutre”. C’est vraiment un film d’étudiant un peu tout nul, en noir et blanc. Du coup, ils volent du matos et ils se cassent en tournée. Et ça, c’est la bande sonore du film, qui s’appelle “Half-Cocked”. Quand j’ai vu le truc, j’étais genre “QUOI ?” Y’a plein de trucs que j’adore là-dessus ! En plus, y’a des petites photos et tout, youhou ! Tu sais, avec le livret à l’ancienne, des vraies photos de groupes… C’est chiant que le livret soit déchiré.

Eric et son disque de Half Cocked

Et ces histoires de gens qui font de la spéculation sur Discogs, eBay, avec le prix des disques… Je ne sais pas si tu vas te sentir très concerné par ça vu que tu n’achètes presque pas en ligne, mais qu’en penses-tu ?

Je me sens pas trop concerné en effet. Mais y’a une époque où j’étais au chômage et je me suis dit “ohlàlà, faut que j’écrème ma collection de disques”. J’en ai quand même mis 80 de côté et je me suis dit que j’allais essayer de les vendre sur Discogs, vu que tout le monde fait ça et que c’est peut-être le moyen le plus simple. Les trucs que j’ai vendu le plus cher, et encore c’est ridicule, c’est vraiment pas des machins à 100€, c’est un disque de Boris, le groupe japonais, genre j’ai du le vendre 30€, et le groupe de Ty Segall, les Traditional Fools. J’avais visiblement l’édition qui datait un petit peu et qui n’était pas une réédition actuelle, mais bon, après, je l’ai vendu 25€ quoi… C’est pas non plus dingue. Moi en tout cas, j’achèterai pas un disque à 100€. Les disques les plus chers que j’ai achetés, c’est la collection des Unwound, parce que chaque coffret est à 50 balles, mais bon, y’a un livret, 4 disques… Et j’ai déjà acheté un disque 30€, c’était Beck, l’album qui s’appelle “One foot in the grave”. J’étais dégoûté parce que j’ai craqué dessus aux puces de Saint-Ouen, et quelque chose comme 2 mois plus tard, le disque était réédité à un prix normal. J’étais vraiment dégoûté car j’en ai rien à foutre des premières éditions ! Et en plus, la réédition était encore mieux je crois, avec un livret en plus dedans, des photos, des machins… L’autre, je l’ai acheté 30 boules et il est un peu abîmé… Les boules !

Un truc à rajouter ?

Non, haha. J’en ai dit assez.

***

Je vous invite tous à aller écouter Bitpart sur Bandcamp. Si si, allez-y, c’est mortel ! 

2 réflexions au sujet de “Eric, graphiste et chanteur/guitariste dans le groupe Bitpart, 37 ans, Montreuil”

  1. Je crois que la question sur les disquaires préférés est celle que j’aime le plus (avec celle sur l’achat en digital) car je suis quasiment à l’opposé de ce monsieur (je suis à l’opposé de la plupart des interviewés sur cette question 😛 )
    Et effectivement, Bitpart c’est cré bien (la piste « Done With Here » ❤ )

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